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TDS 2014 (120km – 7200+) : au bout du bout du tunnel, mon Grand Chelem !

Plus d’un mois à passé depuis cette si dure épreuve qu’est la TDS. Un mois qui m’était nécessaire pour digérer l’événement, me reposer et prendre du recul sur le Trail après une année compliquée.
Je n’aurai pris que deux départs d’ultra en 2014 : le HK100 en janvier et la TDS donc, fin août.
Je pensais en faire plus évidemment, mais c’etait sans compter sur le boom de mon activité photo/vidéo et le cumul de deux boulots. Weekends a shooter, semaines à courir sauf sur les chemins, je ne donnais pas cher de ma peau sur un ultra de 120 bornes après des derniers mois à compter les jours de repos sur les doigts d’une seule main.
Et puis, mi-juillet, les choses se sont un peu calmées, comme si une fenêtre m’était proposée pour réussir ce défi : je m’y suis mis a fond pendant quelques semaines pour au moins arriver prêt à tenir la distance. Mon opération « Sauve qui peut » de l’été !
C’est donc sans vraiment de repères et sans plus d ‘ambition que cela que je suis sur la ligne de départ ce mercredi 27 août, à Courmayeur. J’ai fait assez d’ultras pour avoir confiance sur ma capacité à aller au bout, mais finalement assez peu pour aborder un tel morceau sans être au top de ma préparation. L’année dernière, pour prendre le départ de l’UTMB, j’avais quasiment deux fois plus d’heures d’entraînement dans les jambes.
Le temps de réfléchir à tout cela, les 1700 coureurs s’élancent déjà à vive allure dans les rues de Courmayeur. Il y a moins d’émotion que les fois précédentes, moins de monde aussi. La TDS en semaine, ne transporte pas les foules. 
Au bout de quelques centaines de mètres, c’est ma flasque droite qui se fait la malle. Présage d’une mauvaise journée ? Pas forcément, je la rattrape avec beaucoup de chance et perds seulement 3 petites secondes dans l’affaire.
Le Col Checrouit, première difficulté, est déjà là. J’en ai un souvenir excellent de l’année dernière (on le descend à l’UTMB), mais nous empruntons un chemin plus large pour y accéder en ce début de course. Les premiers sont déjà loin devant, et je ne fais absolument pas attention au classement. Je reconnais quelques têtes connues et me sens dans le bon rythme. 

Un lever de soleil d’une rare beauté

Le lever de soleil après le col est de toute beauté. Le Val Veny s’illumine d’une lumière dorée de fin d’été à donner envie de s’arrêter pour prendre des photos, et le mauvais temps des derniers jours a déposé une fine pellicule de neige sur les sommets. Nous sommes à présent sur une portion connue, ce beau balcon qui mène à l’arête Mont Favre, une des plus belles vues sur le côté Italien du Mont Blanc. Je me régale, à mon rythme, ou plutôt collé aux baskets de devant car on subit un peu la vitesse du peloton. 
Au Lac Combal – Photo Yorick Muller
Je fais une descente très prudente sur le Lac Combal où certains descendent déjà comme des décérébrés en coupant les lacets… La route est longue ! À Combal, nous sommes accueillis par des rafales de vent qui rendent bien pénibles la portion de plat menant au ravitaillement. Nous sommes au km 19 et je ne connais plus un seul mètre du parcours jusqu’au km….85 !

Je fais le plein d’eau et repars après 2 petites minutes d’arrêt vers le Col Chavannes. Il fait froid dans cette montée raide à l’ombre, et je mets même les gants qui complètent ainsi les manches longues que je porte depuis le départ. J’ai accéléré légèrement le rythme. A quelques lacets du sommet, c’est Maud Gobert que je reprends. Elle est en tête mais seulement 90ème au général environ. Je suis donc dans les clous et content d’être en bonne compagnie 🙂
Col Chavannes – photo Yves-Marie Quemener
Col Chavannes – photo Yves-Marie Quemener
Au sommet, la presse (spécialisée, je m’entends…) est là pour l’accueillir et j’ai donc droit à une belle série de photos de l’ami Yves-Marie Quemener. Du col, on voit la suite, et tout ce que l’on m’en avait dit, mais que mon esprit avait soigneusement occulté. Une portion de 30km et 600+/2600- (!) est à venir… Maud qui me disait il y a quelques minutes d’être prudent à déjà filé à grandes enjambées. Je ne la reverrai plus. 

De l’eau, il me faut de l’eau !

10 km de faible descente sur une piste 4×4 avec une perspective quasi à l’infini. Je sais que je suis nul là-dedans… Alors, je me mets en roue libre et descends tranquillement, en perdant toutes mes places gagnées pendant la montée. Je vois mes réserves en eau baisser rapidement sous un soleil de plus en plus chaud et me demande trop souvent quand est le prochain ravitaillement. Ah, peut-être là en bas, au niveau de ce passage de pont. Ah non. Je pourrais m’arrêter et descendre prendre de l’eau dans ce torrent… Oh, et puis non ! Le prochain ravito ne doit pas être bien loin… Que tu crois ! 
On attaque la remontée et une partie vallonnée en direction du col du Petit Saint Bernard. Cette fois-ci, je suis vraiment à sec. Presque 15 bornes depuis Combal, et je commence à comprendre le côté sauvage de la TDS. Je ne suis pas assoiffé, mais je crains pour les conséquences à plus long terme.
Je réduis la voilure pour limiter les dégâts, et au bout de quelques centaines de mètres, je trouve enfin une source. Après analyse rapide de mon cerveau mal hydraté, ma commission sanitaire donne le go : elle a l’air claire. Je remplis gaiement mes deux gourdes et bois un bon coup. Je remonte alors la bute au dessus de ma tête et constate que la source provient d’un lac aux eaux suspicieuses entourė de vaches. Quelle brillante idée ! Je m’imagine déjà à vomir mes tripes dans 10 minutes à cause de cette eau croupie.
Il me faut près de 20 minutes supplémentaires pour rejoindre le col du Petit Saint Bernard. C’est très très beau, mais je suis très très très pressé de trouver un peu d’eau. Dans le dernier raidillon terrible avant le ravito, ce qui devait arriver est là : je crampe…au km 35. Jusqu’à présent, c’était une belle journée, maintenant il va falloir se battre !
J’ai beau picoler abondamment et prendre 10 minutes de pause, le mal est fait ! Heureusement, le terrain change et on débute les 15km de descente sur Bourg Saint Maurice. Les muscles sollicités sont différents et j arrive à contenir les crampes. J’en double aussi en bien pire état que moi. Partis trop vite sans doute. 
A Bourg, il reste 70km et presque 5.000+. Autant dire que la course commence… Mais la descente écoulée m’a mis un coup à moi aussi. Après 4km dans le fond de cette cuvette savoyarde qui contraste franchement avec les 50km écoulés, j’arrive à peu près aussi frais qu’un poisson d’Ordralfabétix, au ravito de Bourg.
Au dessus de Bourg-Saint-Maurice – photo Mountain40
 Je prends mon temps, troque les manches longues contre un débardeur et repars en moins de dix minutes. J’ai le sentiment d’être presque neuf pour attaquer les 2.000+ jusqu’au passeur de Pralognan. En fait, cette sensation de fraîcheur va durer… 100m de dénivelé. Quand je passe devant Yann de Mountain40, ça va bien.

50m plus loin, j’explose. Littéralement. Il fait d’un coup très chaud et j’ai l’impression que l’on m’a collé deux droites. Agnès Hervé me double sans aucun problème, mais autour de moi d’autres coureurs semblent aussi au plus mal. Quelques mètres plus haut, j’ai droit aux crampes. Mollets et cuisses. Je m’etire, avance de 100m. Elles reviennent. Je recommence, bois beaucoup. Je suis sur que ça va passer. Mêmes les bicarbonates n’y font rien. Je me connais bien dans les courses et ai déjà passé ce genre d’épreuves mais là, vraiment, mon corps ne veut rien savoir.

A l’arrêt.

Alors je m’arrête, plusieurs fois. Je m’assois même et contemple le domaine des Arcs pas si loin en face. J’ai fait à peine 500m en une heure et ne suis même pas encore au Fort de la Platte. Je dégringole dans le classement et perds espoir. Je ne sais même pas si je vais pouvoir physiquement passer le Passeur de Pralognan, à 2.600m, et rallier le Cormet de Roselend où Laurie m’attend pour m’encourager et où je pourrai monter dans sa voiture pour rentrer. Tout arrêter. Autour de moi, ça explose de tous les côtés. Sauf chez les filles, où j’ai rétrogradé à la cinquième place !

Au dessus de Bourg-Saint-Maurice – photo Mountain40

Je ne suis même pas fâché, je me dis que mon corps a fait ce qu’il pouvait avec les moyens du bord, soit 55km. Et puis non, merde, je peux pas arrêter là. Si je redescends à Bourg, je vais mettre des heures à rentrer. Il faut passer ce put*** de col ! Au Fort de la Platte, c’est en appuyant sur mes bâtons comme des canes que je parviens aux robinets. Je bois encore beaucoup, m’arrête un bon moment et repars pour les 700 derniers mètres d ascension. Il y a alors une portion plane, sur laquelle je peux marcher un peu vite. Les crampes s’espacent. Victoire ? Non, pas encore. Je récolte quelques spasmes bien violents. Mais je suis dans le mieux. 
A présent, j’ai juste les cuisses totalement meurtries, et je sais qu’il faudra faire avec jusqu’au bout. Pendant deux heures, je viens de traverser un des plus gros combats dans ma vie de trailer, et peut-être de ma vie tout court. Il me reste 300m de dénivelé avant le col, mais désormais je double du monde. J’irai au bout. Point.

J’irai au bout. Point.

Au Passeur de Pralognan, j’ai retrouvé le sourire, perdu depuis près de 30km. Cette descente technique me remet en selle, et l’hélicoptère qui me tourne au dessus de la tête me force à m’appliquer. Sans rire. Il n’est pas parti depuis 2 minutes que je m’explose le pied contre un caillou. Ce sera donc cuisses confites + fricassée d’ongle de gros orteil pour finir la journée.

Cormet de Roselend – photo Laurie Renoton

Et le Cormet de Roselend est là, ouf! Plus question de monter dans la voiture de Laurie, évidemment. Je réussis un nouvel arrêt express, malgré 2 compotes et 12 bouts de reblochon avalés (j’adore les barres Isostar, mais là j en avais ma dose :)) et repars, en marchant vers le Col de la Sauce. Entre-temps, j’ai appris que je n’avais pas bougé au classement malgré mon trou d’air monumental…! Je suis donc 80ème à cet instant et bien décidé à rester dans ces eaux là. 
Cette montée vers le Col de la Sauce est soporifique. Et…je m’endors. Comme à l’UTMB, sauf que cette fois ci je n’ai que 10 heures dans les pattes, et de jour. Quelle journée… Le chemin est facile, alors je fais des siestes de 3-4 secondes. Au pire je me ferai mal en tombant. Un ravito improvisé propose alors du Coca. Salvateur ! La caféine me booste un peu et me redonne de l’énergie pour dérouler jusqu’à la Gitte. Le jour s’éteint progressivement.

C’est au sein d’un groupe silencieux que je monte au Col de la Gitte. Ça serre les dents, mais ça avance encore fort dans cette partie du peloton. Les couleurs sont belles, à jouer entre les bancs de brouillard et le coucher de soleil. Bientôt, il est temps d’allumer la frontale. Et d’entrer dans une autre course.
La nuit me donne l’impression de toucher au but, mais il me reste près de 7h de course. Le chemin jusqu’au Col du Joly est plutôt technique et impose une certaine attention… Depuis quelques centaines de mètres, j’entends la musique du prochain ravito, mais il tarde à se montrer… Et enfin, il se détache dans le brouillard.

86 km ! Il en reste 10 jusqu’aux Contamines et ensuite je connais le chemin par coeur. C’est bon, ça va le faire ! Je crois que c’est dans la descente vers Notre-Dame-de-la-Gorge que je le réalise. Je vais un peu -beaucoup – plus vite et arrive à un bon rythme aux Contamines, après cette longue portion de faux plat que je connais si bien (mais cette fois dans le bon sens !). Tout le village dort, sauf à l’entrée où Mathieu de Douzaleur assure l’ambiance ! Merci !

Photos : Alexis Fromaget

Au ravito, toute ma petite équipe du jour est là : Lolo, Alex, Laurie et Margaux et Clémence. Je raconte des conneries et en profite. Ça fait du bien de voir tout ce monde ! Il est 23h et il reste moins de 25km pour 1200+. Je repars bien décidé à en finir le plus vite possible vers les chalets du Truc.

En montant, je dépasse le cap des 100km pour la 2ème fois de ma vie seulement, les yeux hagards sur le GPS. Pour un fan de chiffres, c’est un peu comme regarder le compteur de la voiture dépasser les 100.000 🙂
Je suis rapidement au Chalets du Truc, et redescends difficilement sur les Chalets de Miage. Mon ongle de gros orteil bien amoché 40km plus tôt me fait vraiment mal, au moins autant que mes cuisses.

En fait, il vaut mieux que ça monte à ce stade de la course je crois. Ce que je fais plutôt bien dans le Col de Tricot, puisque je reprends pas mal de places, dont Néréa Martinez. Je compte l’écart avec les frontales qui me précèdent pour passer le temps. Je n’ai plus envie de dormir, mais je serais tout aussi bien dans mon lit.
Ce n’est pas pour tout de suite. Elle est longue cette traversée jusqu’au Col de Voza, pour ceux qui la connaissent… Presque 1h à faire attention à ses pieds, mais désormais il n’y a presque plus que la descente !

Plus que 10km, sur un pied.

1h pour descendre aux Houches (800m de dénivelé…!) en serrant les dents et en maudissant mon manque d’entraînement en descente ! Encore un petit effort sur le bitume, et voilà le dernier ravito ! Désert lui aussi.
Je ne m’arrête même pas. Je ne fais plus vraiment plaisir et j’ai juste envie de rentrer. Il ne tient qu’à moi d’allonger ce qu’il me reste de foulée sur les 8 derniers km. Nous repartons à deux du ravitaillement, mais je mets un coup d’accélérateur et me retrouve vite seul dans le noir sur le chemin menant à Chamonix.

Un régal que ces montagnes Russes au bord de l’Arve avec un pied en moins. Je savais que ce serait un calvaire, ça ne loupe pas. J’avance malgré tout d’un bon pas et entre finalement dans Chamonix (où je me fais déposer par un concurrent à plus de 12km/h..!) après plus de 20h30 de course.
Personne devant, personne derrière. Je savoure enfin, après des heures à traîner la patte et à puiser dans les réserves mentales. Le plaisir n’a pas toujours été au rendez-vous, en dépit d’un parcours absolument magnifique et bien plus technique et difficile que l’UTMB. C’est aussi ce que j’aime dans le Trail, d’être capable de se transporter si loin.
Qu’elle fait du bien cette dernière ligne droite, toute endormie. Je le tiens mon grand Chelem Chamoniard, mine de rien. 2010, 2013, 2014, j’aurai donc bouclé les 3 ultras de l’UTMB (et toujours à 3h du mat’, dans des rues désertes !).

Ça a été une dure journée, sans trop de sensations, mais je suis fier d’être allé au bout. Cette fois-ci, c’est en 66ème position et en 20h36 pour 120km/7.300+ que je passe la ligne (à plus de 6h de Xavier Thévenard… dément!). C’est anecdotique, mais c’était loin d’être gagné au vu de la préparation.
Le plus important, c’est que Margaux et Alex se soient levés pour m’accueillir! Il y a moins d’émotion que les autres années, mais ça fait toujours autant de bien de partager ces moments-là ! Merci 🙂

Et un grand MERCI à ceux qui seront arrivés au bout de ce long récit, à Alex/Clémence/Margaux et Laurie pour leurs encouragements et leurs sourires. Mention spéciale à Lolo, avec qui je partage trail, ski et famille depuis tant d’années, toujours avec le même plaisir, et à Alex, toujours présent pour les grandes occasions.

Une belle page de plus au carnet des souvenirs et toujours un zéro pointé dans la case abandon, même s’il faudra y passer un jour ! En bref, c’était (presque) le pied !

Photo : Alexis Fromaget

Stay tuned !
Timoth




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