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Transvulcania 2013 (75km – 4400D+) : L’enfer du volcan

Ceux qui suivent de près la page Facebook du blog le savent déjà, ma Transvulcania 2013 n’a pas été une franche réussite.
Malgré une préparation sérieuse et une semaine dans la maison des champions (d’où les footings avec Kilian, Emelie, François et consorts ;)), tout ne s’est pas passé exactement comme je l’aurais souhaité… Et je vais vous expliquer pourquoi.

La Palma – Extrême sud de l’île, à 400m du départ, vendredi 10 mai.

Anna (Frost), Martin (GoodPeopleRun), Tim Olson (The North Face) et moi-même plantons la tente au bord de l’océan, sous le regard bienveillant d’un coucher de soleil encore une fois grandiose.
Pour s’éviter une heure de trajet sur les routes sinueuses (le mot est faible!) de l’île au petit matin, nous avons opté pour le camping. Choix raisonnable puisque nous mettrons le réveil à 4h au lieu de 3h et pourrons dormir serein.
Je partage la tente avec Tim (Olson) et ai la chance de pouvoir apprécier la sérénité de cet athlète professionnel à quelques heures du départ.

La Palma – Extrême sud de l’île, à 400m du départ, samedi 11 mai, 4h.

Le réveil est instantané  je n’ai pas beaucoup dormi entre le bruit des vagues et la petite tension d’avant course. Je n’ai pas de pression aujourd’hui, seulement l’envie de me faire plaisir, mais cela reste un jour de course…
Tout le monde se prépare en silence et nous marchons jusqu’au lieu de départ où l’effervescence est déjà totale. Tout le monde est surexcité et l’organisation fait des miracles pour caser 1600 personnes entre l’océan et une falaise. Le départ est donné sur une rue étroite pentue à près de 15%, avant d’attaquer directement les premières pentes sablonneuses du volcan. Ça promet !

Martin et moi-même, l’équipe GoodPeopleRun du jour, nous faufilons dans les premières lignes sous l’arche.

Top départ!

Le départ est donné avec AC/DC en toile de fond, présageant d’une journée rock’n’roll !
Ça part assez vite (pas étonnant vu les avions devant…) et je maintiens ma position pendant les 300m de plat qui préparent l’attaque de la montée.
Très vite, nous nous engageons sur le GR131, que nous allons suivre toute la course, sous les acclamations de centaines de supporters. Courir dans le sable à plat n’est déjà pas facile, alors en montée à 15/20% je ne vous fais pas un dessin… La poussière vole et brûle la gorge, l’air est moite et le rythme soutenu pour maintenir une position correcte. Le ton est donné.

Très vite, le chemin s’élargit néanmoins et le peloton s’assagit. La première montée fait plus de 2.000m de dénivelé et il s’agit de ne pas se brûler les ailes. Martin me double après quelques minutes : je ne le reverrai plus. Je me retrouve vite dans les pas d’Emilie Lecomte (Team Quechua) avec qui je courrai un bon moment.

Au km 7, le 1er ravitaillement est déjà là, à Los Canarios (750m), premier village traversé pendant la course.
Ce moment restera gravé à jamais dans mes souvenirs de coureur. Je n’ai jamais vu un monde pareil.
Des milliers de personnes (!) bordent la route et hurlent à pleins poumons « Venga« , « Animo« , « Fuerte » et autres douceurs hispaniques.
C’est magique et je me retrouve à courir dans la montée presque sans effort dans une route a 10/15% !

L’euphorie retombe très vite et le décor change (à défaut du sol, toujours ce sable noir!) : nous entrons dans une forêt de pins typiquement méditerranéenne. Ce sera le cas pendant une petite dizaine de kilomètres.
C’est aussi le moment que choisit Dame Nature pour s’associer à la fête, nous offrant un lever de soleil irréel tellement il est coloré. Je regrette de ne pas avoir mon appareil photo et suis en plein rêve lorsque les premiers rayons du soleil percent les pins à travers la poussière soulevée par mes prédécesseurs.

Le rythme est toujours bon et l’océan déjà loin en dessous. Nous sortons bientôt de la forêt pour attaquer les dernières pentes de la première ascension. C’est tellement beau que je m’arrête et enlève mon sac pour récupérer mon téléphone et prendre une photo (bon, OK, aussi pour ranger ma frontale désormais inutile). L’image ne retranscrit pas grand chose, mais je l’ai photographiée avec mes yeux.

Km 18, nous voici au sommet de la première difficulté au ravitaillement de Las Deseadas.
2000m de dénivelé gravis en 2h30 et je suis toujours quelques dizaines de mètres devant Emilie Lecomte, qui constitue un bon point de repère.
Les 5km suivant sont vallonnés et marquent le début de la fin. Mes jambes sont lourdes et même si je cours bien, je sens que ça n’est pas terrible. Lorsque démarre la vraie descente vers le refuge El Pillar, je me rends compte que je suis lent. Emilie me double à l’entame de la troisième heure de course et je ne la reverrai plus.

A El pillar (km 26 – 1400m), l’ambiance est encore une fois extraordinaire, digne d’une étape de Tour de France à l’Alpe d’Huez. J’en profite car je sais que la suite est beaucoup moins sympa : 8km de piste roulante jusqu’à Reventon. Au moins, on en a fini avec le sable, mais les choses délicates commencent.
Mon rythme baisse franchement et je commence à marcher régulièrement.

Le soleil et la chaleur accablante font leur office et je suis presque soulagé d’attaquer les 500m D+ de montée vers le Pico de la Nieve (km42). A El Reventon, on m’annonce une 55ème place ! J’ai du mal à y croire mais ça me booste et je me dis que la mauvaise passe qui vient de m’arriver est derrière moi.

Malheureusement, ce n’est pas le cas. J’avance encore bien dans la montée vers le Pico de la Nieve mais je fais jeu égal avec les autres coureurs, ce qui d’habitude n’est pas le cas dans les portions ascendantes. Le ravitaillement du km 38 (non prévu) est salvateur : je n’ai presque plus d’eau et je me traîne sur le sentier… On m’annonce alors que je suis 162ème (non non , je n’ai pas perdu 100 places en 5 km !). Cette nouvelle m’accable et m’ôte une grande partie de mon envie.
Je n’ai subitement plus envie, je sais que le top 100 qui me faisait rêver est inaccessible, et que mes jambes du jour ne me permettront pas un chrono correct.. Pas l’envie de me faire mal non plus, simplement celle de rallier la ligne au plus vite.

Avant cela, il faut rejoindre le Roque de los Muchachos, point culminant de la course, à plus de 2400m. 15km sur des sentiers rocailleux et techniques dont j’ai peu de souvenirs.

Je marche beaucoup, les yeux le plus souvent rivés sur mes chaussures alors que les points de vues sont magnifiques. Je m’accroche, serre les dents et prie pour que les télescopes qui ornent le sommet (les plus gros d’Europe) se rapprochent de plus en plus vite. On les garde en effet en visuel pendant plus de 15km.

Et enfin, le Roque de Los Muchachos.

C’est une longue agonie, je n’ai jamais envie d’abandonner, mais pas non plus envie de lutter plus que ça. Je maintiens simplement une vitesse de marche correcte et trottine dans les légères descentes.
Et puis, enfin, au prix d’un dernier effort, j’y arrive. Je me gave de pastèques au ravitaillement, laisse mes bâtons à un bénévole pour finir sans, et branche le MP3 en espérant un miracle : courir ces 18km et 2500D- de descente le plus vite possible pour sauver ce qui peut encore l’être. J’en suis à 7h45 de course.

Je me dis que je me suis « économisé » pendant les 3 dernières heures et pars le couteau entre les dents, prêt à mener une partie de PacMan pour ratrapper du monde !
C’est efficace pendant...15 minutes.
Et puis les quelques relances qui parsèment la descente ont raison de mon envie, de mes jambes. L’altimètre ne semble vouloir lâcher des mètres qu’au prix d’efforts insurmontables. La chaleur qui augmente au fur et à mesure de la descente n’arrange rien.

Je profite de l’ombre de quelques arbres pour marcher, m’arrêter parfois et m’asperger d’eau. Ma tête tourne et le ravitaillement intermédiaire me sauve peut-être d’un abandon qui serait raisonnable.

Jamais, je ne me suis arrêté pendant une épreuve : hors de question que je le fasse aujourd’hui !
Alors je continue, tant bien que mal, puisque les cuisses comment à crier leur douleur à leur tour. 2h30 me seront nécessaires pour rejoindre la fournaise du port de Tazacorte (km 68).
Il reste 5km et une côte de 300m de dénivelé. Au ravitaillement à Tazacorte, c’est l’hécatombe et cela me rassure : beaucoup sont dans le même état que moi. J’ai l’impression que c’est la première fois que je vois autant de gens souffrir à ce point en course autour de moi. Je prends mon temps, le chrono n’a plus d’importance, oublié depuis longtemps.

Et puis je repars, pour le dernier assaut. Je marche pendant 2km sur le bitume et me retrouve face au dernier mur : un chemin en lacets, raide, et en plein soleil.
Un calvaire comme j’en ai rarement vécu. Je monte rampe par rampe, m’aspergeant d’eau tous les 100m. La chaleur me donne envie de vomir et certains sont incapables d’avancer plus loin.

300m : c’est l’altitude de Los Llanos de Aridane. Un Everest à ce niveau de la course. Heureusement, elle fait 10km de moins que les 83km annoncés (!) et je parviens à trottiner sur le dernier kilomètre.
L’ambiance sur la ligne est encore une fois indescriptible, même pour le 173ème arrivant en 11h15 pour 73km – 4400+.
C’est beau, je ne crois pas qu’il y ait d’équivalent en France. Je tape des dizaines de mains avant de franchir la ligne. Peu ou pas d’émotion, le simple sentiment du devoir accompli. Les jambes ne sont d’ailleurs pas si meurtries, mais je suis vidé, épuisé par cette bataille mentale menée toute la journée…

J’apprends que Kilian et Emelie ont gagné, et que Martin a terminé 21ème en 8h25. C’est une performance exceptionnelle, proche du très haut niveau.
Les dégâts ont été énormes, avec seulement 980 finishers sur 1600 partants. A l’arrivée, les tentes d’infirmerie sont prises d’assaut et de nombreux coureurs sont sous perfusion..
Après coup, je suis très déçu, j’ai le sentiment d’être passé à côté. Je m’en veux d’avoir fait un si long voyage pour ne pas être content de moi. Je pensais l’entraînement suffisant mais en se frottant à un tel niveau, je comprends humblement que je ne suis qu’un trailer lambda.
Cela contraste avec ma fierté d’être allé au bout, encore une fois, d’avoir inscrit cette ligne à ma collection qui commence à compter de beaux noms.

Et c’est aujourd’hui ce sentiment que j’essaye de conserver. J’ai beaucoup appris pendant cette longue journée dans les montagnes de La Palma, j’ai eu la chance de courir dans un lieu magique et de côtoyer des champions d’exception pendant une semaine; et la saison est encore (très) longue.

Stay tuned!
Timoth


6 réponses

  1. Plein de choses à dire!

    Je dirais trivialement que ça me trouera toujours le… que ça m'étonnera toujours (lol) de voir les mecs partir aussi vite pour faire 6/10/25h d'efforts! C'est débile, je trouve, c'est pas du tout rationnel…
    Bon, en même temps, faire autant de kilomètres sur un terrain et dans un climat si difficiles, ça ne l'est pas non plus. Le nombre de partants/arrivants indiquent cette difficulté, et pour une grande partie des abandons montre que bcp de gens ne sont sans doutes pas apte à réaliser de telles choses.

    Pour toi, je comprend vraiment ton sentiment… quelques fois on s'entraine en conséquence et ça ne marche pas… Je pense qu'en plus tu as eu une mauvaise indication de ta place, et ça ajouté à tes jambes qui n'ont pas voulu "marcher" ce jour, ça fait bcp pour son moral. Et l'air de rien, tu as sans doute perdu des places comme ça… En plus, tu avais des espoirs de classement en tant que compétiteur! En même temps, tu t'es projeté, mais qui sait en situation ce que ça va donner en fonction de ce que tu découvres que le jour J? Pas simple à gérer… Ta place sur une telle épreuve n'est pas mal du tout! Tu féliciteras aussi ton copain Goodpeople Martin, c'est fort! Dis donc…

    Tu pourras en retirer une riche expérience de course, de compétition. ça va te rendre plus fort, à l'entrainement déjà, et en compèt. Tu retires une super expérience à côté des champions! Et puis un voyage hors de la terre si l'on puis dire, dans des paysages à part et sur un parcours unique. L'ambiance en Espagne, c'est comme ça. Combien de fois on m'a dit que le sport de l'autre côté c'est une histoire de fou… C'est le style d'ambiance que l'on voit dans les cols Pyrénéen surtout: pourquoi? Car les espagnols tout proches viennent en masse supporter leurs grimpeurs. Rien que mon frère en grimpant les cols avec un bandana "Euskatel" sur la tête se faisait encourager par les touristes qui passaient par là… Bref! J'ai fini! Merci pour ce partage Timothée!!

  2. Super voyage "à tes côtés". Merci pour le récit qui nous fait vivre un peu de ton aventure. 177 sur 1600 partants, pas mal du tout ! Perso, je classe ça dans le haut niveau !

  3. Je sais plus qui disait que chaque défaite est une victoire sur soi-même.
    Le début de saison est difficile pour tout le monde, surtout que tu as abusé des skis 😉

    et viser un top 100 sur cette course, c'était couillu quand même ! Un top 200 c'est top aussi !

  4. Bravo d'être allé jusqu'au bout! Ton récit m'a été utile pour ma Transvulcania 2014. Merci! Mais, y'a pas à dire, c'est une course qui fait mal aux jambes. J'ai également écrit un récit disponible sur une page FB "Motchè à mi". A+ sugus

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